Redevance sur les véhicules de transport de marchandises de plus de trois tonnes et demie, l’écotaxe devait entrer en vigueur le 1er janvier 2014. Mais, le 27 octobre 2013, un millier de manifestants font tomber le portique prévu pour sa perception à Pont-de-Buis, sur la route nationale 165, la voie rapide qui relie Quimper à Brest. Des scènes de guérilla opposent gendarmes et compagnies républicaines de sécurité (CRS) aux manifestants coiffés de bonnets rouges qui brandissent leGwenn ha Du, le drapeau noir et blanc de la Bretagne.
Même si le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault annonce le 29 octobre la « suspension » de l’écotaxe, vingt mille personnes se rassemblent le 2 novembre dans les rues de Quimper à l’appel du collectif Vivre, travailler et décider en Bretagne. Une foule encore plus nombreuse se retrouve le 30 novembre à Kerampuilh, près de Carhaix-Plouguer. Les destructions de portiques se poursuivent ; des radars routiers sont sabotés — une action officiellement condamnée par les « bonnets rouges ».
Le couvre-chef, fabriqué par l’entreprise Armor-Lux, est devenu le signe de ralliement de la contestation. Le symbole est bien trouvé. La révolte des Bonnets rouges enflamma la Bretagne à l’été 1675, alors que Louis XIV venait d’assommer le pays d’impôts nouveaux pour financer la guerre de Hollande. Les principaux foyers insurrectionnels se concentraient en basse Bretagne, notamment dans la région de Carhaix. La fronde fut antifiscale et antiseigneuriale, exigeant l’abolition des redevances, avec l’adoption d’un code paysan.
L’historiographie marxiste y voit une préfiguration de la Révolution française, tandis que certains historiens la lisent comme l’ultime sursaut d’une province qui avait réussi à maintenir ses particularités face au centralisme royal. La jacquerie de 1675 marque une cassure dans l’histoire de la Bretagne, riche et densément peuplée au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, mais qui voit la source de sa fortune se tarir avec le ralentissement du commerce maritime. (...)